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L’APOSTROPHE MUETTE

On peut se souvenir, à propos de l’exposition de Sophie Badens, du titre d’un ouvrage de François Jullien « Le nu impossible » et s’interroger sur ce que peut nous dire le nu dans le monde où nous vivons. On se trouverait alors, dans un glissement, dans un bruissement, dans le temps suspendu de l’ouverture d’un objectif, projeté au cœur des questions essentielles. Au cœur du seul réacteur contre lequel aucun traité ne peut rien faire ou défaire le réacteur intime. 

Nul besoin de références, d’historiographie ou d’une quelconque érudition pour entrer dans l’univers que révèlent les photos de Sophie, car il est de plain-pied avec les peurs et les gloires que chacun(e) d’entre nous vit plus ou moins sciemment.

La force de ces photos est de porter implicitement le poids trop lourd du monde qui tourne mal autour d’elles. Ces corps le plus souvent dénudés sont pour un instant, à travers l’objectif de Sophie, comme suspendus au-dessus d’eux mêmes, laissant le monde à ses avanies.

L’une des forces de cette exposition, c’est précisément de donner à ressentir cette suspension, cette parenthèse.

Mais plus que cela, l’actualité de ce travail est dans son intemporalité même. Livrer à la fin de l’année horrible 2009 de tels portraits, c’est affirmer que l’homme est la mesure de toute chose et en cela retrouver les sentiers fertiles de l’art toscan de la renaissance. L’homme, au sens générique reste premier et sa nudité le restitue à lui-même, à son essence, à son éternité. 

Ces photos portent l’inaliénable : la femme et l’homme tels qu’en eux-mêmes.

Que les modèles soient identifiés par leurs prénoms peut nous dire qu’ils ont une identité et une histoire intouchable, un nom « de famille » qui leur appartient et que nul ne peut s’approprier.

Seul l’objectif de Sophie a pu s’approcher, non par effraction, mais par connivence, de ce qui leur reste encore, dans leur nudité, de plus fort que le monde qui tourne autour d’eux. Cet univers est centripète, au moment où dominent les forces centrifuges, celles qui éloignent les femmes et les hommes d’eux-mêmes.

Le paradoxe qui est au cœur de ce travail est de nous révéler l’inviolabilité du territoire de chacun(e) et son irréductibilité à travers des nus.

Les quelques scènes de couple ajoutent à la force de ces photos, de même que le nu de femme enceinte. Elles sont tremblées : rien ne peut dire l’intimité de cet homme et de cette femme, même lorsqu’ils le donnent à voir, rien ne peut dire les rêves de la femme enceinte.

Reste cet homme habillé, au cœur de son monde, prêt à se lever et à devenir l’homme qui marche, frère encore possible de celui de Giacometti.

On l’aura bien compris, le travail de Sophie nous apostrophe en nous rappelant, très au-delà des temps actuels à une lecture du monde qui restitue à la femme et à l’homme toute leur place.

Ce que nous disent ces photos, c’est ce que le monde ne nous dit plus ou si peu, ce qu’elles nous donnent à voir c’est ce qui s’enfuit, ce qui sombre et finira par arrêter le marcheur.

Sophie Badens cultive encore une terre habitable, au plus près du plus secret, du murmuré, de l’irréductible et finalement de l’espéré.

 

Jean Pierre Delbouys

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